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  • Photo du rédacteurPascal

La sumanité

Dernière mise à jour : 11 sept. 2021


Je ne suis pas né Sumain. À travers mes langue et culture sumaines, j'ai appris à devenir Sumain socialement parlant.”

Là, vous êtes peut-être étonné.e que j'ai évoqué en plusieurs reprises le mot “sumain” qui vous est inconnu ou bien méconnu jusqu'à présent. Pourtant, ce terme “sumain” a été d'ores et déjà apparu aux États-Unis, il y a plusieurs années, et a été inventé par Ryan Commerson, Sumain américain. Pour en savoir plus, vous pouvez aller à notre chaîne Youtube pour visionner nos vidéos : https://www.youtube.com/channel/UCxU2-7d9UKtJ3jzlWnZ9Yng.

Sachant que nous sommes fières/fiers d’être “Kréol” (natifs de l’Île de la Réunion) et d’être français.e.s, nous trouvons que le mot “sumain” est employé avec adéquation et pertinence par rapport à notre approche sociolinguistique et socioculturelle pour désigner la communauté dont nous sommes membres.

Ce mot “Sumain” signifie qu’une personne, quel que soit son genre, fait partie de la communauté regroupant des membres ayant les points communs et la même expérience existentielle sur le plan linguistique et culturel, et pratique régulièrement sa langue naturelle, voire maternelle : le sumain (voir sa définition ci-dessous).

Par preuve, selon Yves Delaporte, anthropologue et ethnologue, le partage d’une langue identifie “un groupe qui présente une très forte cohérence culturelle”. Utiliser quotidiennement notre langue justifie et privilégie la dimension anthropologique à partir de laquelle se construit un nouveau concept de la sumanité qui n’a rien à voir avec la surdité.

La sumanité

Comme Thomas K. Holcomb le prédit clairement :

Toutefois, en considérant les Sourds dans la nouvelle perspective de minorité linguistique, on peut arriver à un usage accru d’une nouvelle appellation.”

La sumanité est un mot néologique qui se définit par l'ensemble des caractéristiques liées à la minorité linguistique et culturelle représentant plus de 70 millions d'habitants à l’échelle de notre planète bleue. Ce nouveau concept permet de renforcer et de consolider le sentiment d’avoir une personnalité, d’avoir une propre culture, une propre histoire, une propre langue chez nous en tant que membres de la minorité linguistique et culturelle. S’inscrivant dans la longue histoire de la reconnaissance de la spécificité linguistique, la question de la langue sumaine se place au cœur de notre projet d’émancipation citoyenne s’appuyant sur une forte identité individuelle et collective.

En d’autres termes, étant obligé de suivre le modèle soi-disant “entendant“ pendant notre enfance (nous en revenons), la normocratie (le pouvoir de la norme) a fait enraciner le “poison psychique” dans le processus identitaire chez la plupart des Sourd.e.s. Par conséquent, cela a fait taire notre étincelle de type rebelle au fond de nous-même pendant tout notre vécu.

Afin de lutter contre cette normocratie, il est indispensable de prendre en conscience de la valeur substantielle générée par la sumanité avec laquelle le processus identitaire reprend son droit pour que notre identité puisse se construire positivement dans la mesure où nous sommes maîtres de notre destin.


En effet, ce processus se repose sur les trois phases de la construction de l'identité sumaine : l'esclavagisme, l'affranchissement et la liberté. À travers cette construction identitaire, le premier stade souligne que nous avons subi ce que la société a collé l’étiquette “handicapé” sur notre front depuis que nous avons été petits. En outre, les spécialistes de la surdité nous ont martelé que nous serions capables de faire quelque chose comme les “entendants” à condition que nous privilégions la communication en français oral via la modalité vocale en apprenant la méthode vocaliste. Cela nous a mis dans l’esclavagisme puisqu’on nous a nommé avec plusieurs étiquettes néfastes pour notre état psychique en matière d’identité : déficient auditif, malentendant, sourd, invalidé, handicapé, incapable…

Ayant pris conscience de l’importance de nos langue et culture sumaines après le “réveil sourd”, nous sommes entrés dans l’affranchissement en rejetant notre état d’esclave sur le plan psychologique. Là, il s’agit du deuxième stade du processus identitaire où nous avons eu l’impression d’être libres et de retrouver notre fierté d’être Sourd.e.s (avec “S” en majuscule). Pourtant, le mot “sourd” demeure toujours dans la confusion qui résulte d’un amalgame sémantique de sa définition, par exemple : il nous est difficile de définir une frontière entre surdité (deafness en anglais) et surditude (deafhood en anglais). Cela veut dire que le SDIS (syndrome de la déficience d’identité sumaine) ou bien le syndrome de Castberggaard est bien ancré toujours au fond de nous-même.

Comment détacher les chaînes de cet amalgame qui nous permet de faire disparaître le SDIS à l’intérieur de nous-mêmes ? Considérant que nous avons cherché un mot le plus mieux pertinent pour notre communauté depuis plus d’une dizaine d’années, adopter le mot néologique “sumain” nous a permis d’entrer dans une nouvelle phase de la construction continue de notre identité. Dans ce cas-là, cela nous a conduit à emprunter enfin un long chemin vers une vraie liberté avec une nouvelle idéologie que l’on dénomme : le sumanisme.

Le sumanisme

Par rapport à la sumanité, le sumanisme est à la fois une idéologie et un mouvement politique, ce qui vise à lutter contre l’audisme et le génocide linguistique et culturel. Il est tout à fait un outil politique pour notre minorité linguistique et culturelle parce que cet instrument nous aide à éclaircir les zones destructrices de notre identité mises en œuvre par le système séculaire et structurel impulsé par l’idéologie des vocalistes (mot le plus mieux approprié au lieu du mot “oraliste”).

Et le sumanisme est également un courant culturel et artistique des Sumains préservant à bec et griffes leurs langue et culture et dénonçant souvent l’aliénation psychique et le génocide linguistique et culturel. Alain Touraine, sociologue français, le souligne : Un mouvement social a deux dimensions : le conflit avec l’adversaire et une visée, un projet d’orientation culturel, sociétal.

Pour nous, l’adversaire, ce sont les vocalistes qui prônent la logique de médicalisation visant à la réparation de la surdité. Ainsi, le vocalisme justifié par le Congrès de Milan de 1880 (cette époque où le progrès médical règne), a de nombreuses conséquences néfastes sur notre peuple depuis plus d’un siècle sur les plans moral, psychologique, langagier, linguistique, cognitif et identitaire. Dans ce fait-là, notre peuple subit toujours l’audisme, le génocide linguistique et culturel et, particulièrement, la colonisation intellectuelle jusqu’à maintenant.

Si vous avez le temps, vous pouvez visionner la vidéo de Ryan Commerson (en cliquant sur le lien https://youtu.be/MFDT83JOK98) pour mieux comprendre ce qu’est la nécessité de transgresser le système lié à la logique de médicalisation et à la dictature de la politique du handicap qui nous ont imposé de suivre le modèle “entendant”, voire celui de la personne “validée” en nous martelant pendant toute notre vie que nous sommes les personnes handicapées.


 

En conclusion, comme vous le savez, nous chérissons bien sûr le mot affectueux “Sourd” avec “S” en majuscule depuis plusieurs dizaines d’années puisque ce mot est bien longtemps ancré dans notre propre culture ainsi que dans notre propre fierté.

Cependant, avec ce mot-là avec ou sans “S” majuscule, chez les nosumains et, surtout, chez les spécialistes de la surdité, la confusion demeure toujours sur le plan sémantique. Par conséquent, cette confusion nous a poussé de manière inconsciente à nous mettre malheureusement dans le brouillard identitaire, voire dans la schizophrénie identitaire.

En adoptant la philosophie de la sumanité, cela permet de nous faire sortir du sable mouvant d’une identité fragmentaire et destructrice déclenché par l’institutionnalisation du vocalisme, et renforcé par la dictature du handicap liée à la normocratie et au mercantilisme médical et technologique. De plus, le sumanisme nous guide à maintenir le cap vers la dignité humaine, ce qui permet de faire reconnaître nos droits humains et civiques en tant que membres de la minorité linguistique et culturelle.

Bien que Fernand Braudel dit :“Tout le passé pèse sur le présent”, nous devons forger ensemble le présent avec des outils du sumanisme pour rendre meilleur notre avenir.



Le sumain

Le sumain est une langue que les Sumains pratiquent quotidiennement. Comme on le dit que la langue des Français est le français. Pour notre propre langue qui existe depuis l'époque où se développe la première civilisation urbaine, nous le dénommons simplement le sumain.

Comment écrire le mot “sumain” en respectant la grammaire française ?

Voici quelques exemples : La/Le Sumain (nom avec “S” en majuscule, n’ayant pas de masculin, ni féminin) Les Sumains (nom en pluriel) Le peuple sumain (adjectif) / La communauté sumaine La culture sumaine / La langue sumaine

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